“Des graminées d’un rouge improbable, croissent sur l’écran lumineux et ondulent au gré d’un souffle alizéen. Leurs nervurations, visibles par transparence à chaque balancement de leurs feuilles, composent des architectures complexes. D’abord fragiles pousses, elles s’enhardissent et dressent leurs tiges vers un invisible ciel. Tant que rien ne vient contrarier leur expansion, elles prolifèrent et tendent à saturer tout l’espace. Ce qui les meut c’est cette volonté de puissance du vivant si bien analysée par Nietzsche. Ce vouloir vivre sans autre finalité que la perpétuation de lui-même.”…“Chaque plante a son programme morphogénétique, mais, dans sa sophistication, le calcul a prévu de l’aléatoire dans sa croissance. Et c’est en vain qu’on guetterait sa réapparition au lieu de son évanouissement. Elle repoussera, elle ou son clône, quelque part sur l’écran, en fonction du hasard ménagé dans sa programmation germinative. Peut-être au lieu où on l’a perdue. Plus probablement ailleurs. Mais elle repoussera. Car cette « autre nature » (1 ) ou cette sur-nature, est le contraire d’une nature morte. Elle est vivante. Elle est vivace. Elle est même prolifique. Et cette prolifération imprévisible, quoique savamment calculée, nous enchante parce qu’elle crée des effets de transparences et de surimpressions qui nous font rêver.”… Françoise Gaillard, philosophe.
